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Cauchemar (Louisiane)

En Louisiane, si un francophone prononce le mot « cauchemar », il y a peu de chances pour qu’il veuille simplement évoquer un désagréable songe : dans pareil cas, il aurait plutôt parlé de « mauvais rêve » ou de « pesant ». Non, s’il emploie le terme cauchemar, c’est comme tout le monde le faisait autrefois, c’est-à-dire pour désigner le phénomène de la paralysie du sommeil et la créature surnaturelle qui en serait responsable. De nos jours, celle-ci est toujours présente dans l’imaginaire des habitants du sud de l’État, en particulier parmi les Afro-américains de la communauté créole qui l’appellent parfois kooshma ou koushma.

Le cauchemar louisianais, sous la forme d'une sombre silhouette, penché sur un homme allongé.

Le cauchemar, l’esprit qui punit les mauvaises actions #

Ce qui distingue le cauchemar louisianais de beaucoup d’autres légendes liées à la paralysie du sommeil, c’est la notion de châtiment : en effet, on dit souvent qu’il vient s’en prendre à ceux qui ont commis des péchés. Cette idée est très répandue dans les témoignages des enfants et des adolescents : ceux qui ont reçu sa visite expliquent en général qu’elle a eu lieu après qu’ils aient dit des gros mots, qu’ils se soient battus ou qu’ils aient manqué de respect envers leurs parents. Mais, bien sûr, ce mauvais esprit n’épargne pas les adultes, tel cet homme qui en devient la cible après avoir trompé son épouse. D’aucuns pensent également que le simple fait de parler de lui l’encourage à se manifester…

Que se passe-t-il exactement lors d’une attaque du cauchemar ? En général, une personne se réveille et perçoit la présence malveillante de l’esprit dans la pièce ; parfois même, elle le voit. Souvent, il est perché sur elle et pèse de tout son poids. Effrayée, la victime essaie de bouger pour se défendre : en vain, son corps paralysé refuse de lui obéir. Elle essaie de crier afin que quelqu’un lui vienne en aide : en vain encore, l’appel à l’aide reste coincé au fond de sa gorge. En dehors de cette trame commune à la plupart des récits, bien des détails changent : chacun vit différemment sa rencontre avec le cauchemar.

Semblables expériences peuvent-elles s’avérer dangereuses ? Cela semble malheureusement être le cas : selon certaines croyances, en effet, si l’on ne réussit pas à s’éveiller, que ce soit par soi-même ou grâce à l’intervention d’un tiers, l’assaut risque fort d’être fatal.

Se protéger du cauchemar #

Les méthodes pour empêcher les visites du cauchemar sont souvent d’inspiration chrétienne et, plus spécifiquement, catholique. Ainsi conseille-t-on de bien dire ses prières, d’aller régulièrement à la messe, de glisser un chapelet sous son oreiller ou encore de placer près de son lit des croix et de l’eau bénite. En parlant d’eau bénite : à en croire certains récits, la boire serait particulièrement efficace.

Des solutions moins liées à la religion sont également proposées, comme mettre du sel sous son oreiller ou un balai dans un coin de la pièce. On recommande aussi de former un cercle de pierres ou de haricots sous son lit : lorsqu’il les apercevra, le cauchemar commencera à les compter et, ne sachant quand s’arrêter, il continuera jusqu’à ce que le lever du jour l’oblige à s’en aller. C’est le même principe lorsqu’on suggère de placer une moustiquaire à la fenêtre : l’aube viendra avant qu’il n’ait fini d’en dénombrer les trous.

Sources #

Rabalais, Nathan J. Folklore Figures of French and Creole Louisiana. Baton Rouge, Louisiana State University Press, 2021. pp. 224- 228. Roberts, Katherine (1998). « Contemporary Cauchemar: Experience, Belief, Prevention. », Louisiana Folklore Miscellany, XIII, pp. 15-26.
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