On dit généralement que le létiche est l’âme d’un enfant mort sans avoir été baptisé. Ne pouvant par conséquent entrer au Paradis sans pour autant être condamné à l’Enfer, il revient hanter les vivants sous différentes formes comme, entre autres, celle d’un animal à peine perceptible ou d’une aura blanche et informe.
Le létiche, une origine normande #
Dans Évangéline, son célèbre poème épique publié en 1847, Henry Wadsworth Longfellow présente le létiche comme faisant partie des croyances des Acadiens. Or, il semble que ce soit une confusion de sa part, puisque rien n’indique qu’ils en aient eu connaissance avant le Grand Dérangement. Par contre, il est possible que certains de ceux envoyés en France après leur déportation par les Anglais aient alors entendu parler de la légende et qu’ils l’aient ensuite emmenée avec eux lorsqu’ils ont retraversé l’Atlantique pour s’installer en Louisiane.
Le létiche est en effet connu dans certaines parties de la Bretagne et, surtout, en Normandie. Son nom actuel, ainsi que les variantes antérieures (comme laitisse ou létice), font probablement référence à la blancheur du lait. Un récit le dépeint comme un animal à la forme à peine définie et à la blancheur éblouissante, qu’on ne voit que la nuit et qui disparaît sitôt qu’on essaie de le toucher. En 1851, dans son roman Les Derniers paysans, Émile Souvestre présente un groupe d’une vingtaine de petites formes blanches et gracieuses se déplaçant dans le marais : soudain, elles grandissent, prennent la forme de flammes bleutées et se mettent à danser au sommet des roseaux, un personnage expliquant alors que les létiches sont des esprits et qu’il s’agit là de leur royaume.
L’une comme l’autre de ces descriptions ne sont pas sans rappeler les blanches hermines, animaux nocturnes qui habitent notamment les marais normands et qui se déplacent généralement en petits groupes…
Le létiche de Louisiane #
Le létiche louisianais diffère sensiblement de son ancêtre normand et même de l’être doux et soucieux évoqué par Longfellow. Mentionné pour la première fois en 1945 dans un ouvrage intitulé Gumbo Ya-Ya, il est décrit comme l’âme d’un bébé non baptisé, esprit errant et tourmenté ne pouvant trouver la paix et venant la nuit hanter les enfants dormant paisiblement dans leur lit. Quoique son essence demeure la même, la manière dont il se manifeste a grandement changé, faisant de lui une créature proche des fantômes, capable de traverser les murs, cherchant à troubler le sommeil des humains et à les effrayer.