Dans le sud de la Louisiane, nombreux sont les enfants qui, encore de nos jours, connaissent Madame Grands Doigts. Du moins l’une de ses facettes, car cette figure du folklore a ceci de particulier : elle existe en deux versions contraires qui jamais ne cohabitent. Ainsi, selon la famille dans laquelle on naît, selon l’endroit dans lequel on grandit, on entend parler soit de la bienveillante Madame Grands Doigts qui offre de petits cadeaux au moment des fêtes de fin d’année, soit de la malveillante Madame Grands Doigts qui, quelle que soit la saison, a tous les attributs d’un redoutable croque-mitaine.
Madame Grands Doigts : la face lumineuse #
Ceux qui connaissent la version bienveillante de la légende parlent d’un être passant dans les maisons durant la nuit de Noël ou, plus souvent encore, durant celle du nouvel an. Elle utilise alors ses longs doigts pour glisser de petits présents dans les chaussettes suspendues à cet effet ou dans les chaussures laissées sorties à dessein. Ainsi les enfants découvrent-ils, à leur réveil, des noix de pécan ou des fruits, principalement des agrumes comme la mandarine satsuma. Les plus chanceux ont même droit à de petits pétards ou à des jouets tout simples.
Madame Grands Doigts : la face sombre #
La version effrayante de la légende n’est pas particulièrement liée à la période des fêtes. Elle décrit une femme méchante, aux allures de sorcière, qui terrifie les enfants et punit ceux qui se sont mal comportés. Parfois, on dit qu’elle se cache dans leur chambre et qu’elle leur tire les orteils lorsqu’ils sont endormis. Mais, souvent, les parents raconte qu’elle vit dans un grenier, une partie précise des bois voisins ou, plus largement, dans tout endroit potentiellement dangereux où ils ne veulent pas que leurs enfants se rendent. Malheur aux imprudents qui ne tiendraient pas compte de ces sages avertissements ! Madame les guette, prête à se servir de ses longs doigts noueux pour les attraper sitôt qu’ils passeront près d’elle.
Madame Grands Doigts : les origines #
Il existe un récit expliquant les origines tragiques de Madame Grands Doigts et comportant des éléments provenant de ses deux facettes : peut-être s’agit-il là des vestiges d’une version plus ancienne et plus complète du personnage ? En tout cas, l’histoire explique que vivait autrefois une belle jeune fille aux mains exquises que tous les jeunes gens du village admiraient. Les autres filles, de plus en plus jalouses d’elle, finirent par lui lancer un sort, rendant ses mains laides et pleines de verrues. À cause de son physique désormais déplaisant, la malheureuse ne put jamais trouver de mari et devenir mère, ce qu’elle aurait tant voulu. On raconte enfin qu’à sa mort, son fantôme commença à hanter les greniers des maisons où vivaient des enfants, dans le seul but d’être près d’eux, elle qui n’avait jamais pu en avoir. Mais les enfants, ignorant tout de ses innocentes intentions, furent effrayés en apercevant ses mains…
Sources #
Broussard, Lizzie. « Madame Grands Doigts. », Country Roads, 1er octobre 2011.
Rabalais, Nathan J. Folklore Figures of French and Creole Louisiana. Baton Rouge, Louisiana State University Press, 2021. pp. 233- 234.