En Louisiane, près de la ville de La Nouvelle-Ibérie, chef-lieu de la paroisse de l’Ibérie, se dressait autrefois sur les rives du Bayou Portage un énorme cyprès qui, d’après la légende, était considéré comme sacré par les Amérindiens. On lui prêtait des propriétés surnaturelles. Ainsi aurait-il été capable de faire pleuvoir, si l’on venait le lui demander.
L’arbre sacré de La Nouvelle-Ibérie : la légende #
Selon la légende, il y a fort longtemps, un homme blanc se présenta auprès de la tribu des Chitimachas et leur demanda de le cacher : il était, expliqua-t-il, poursuivi par les Atakapas qui voulaient sa mort. Les Chitimachas acceptèrent et, en témoignage de sa gratitude, l’homme partagea avec eux ses connaissances dans bien des domaines, dont ceux des cultures et de la médecine. Malheureusement, un éclaireur revint un jour, porteur de mauvaises nouvelles : les Atakapas avaient retrouvé sa trace et étaient en route pour le tuer.
Ne voulant pas mettre en danger ses protecteurs, l’homme annonça qu’il allait partir et leur demanda de le conduire jusqu’à l’immense cyprès qui se dressait au bord du bayou, en face du tertre du chef. Sur place, il commença à grimper à l’arbre et, s’arrêtant avant d’avoir atteint le sommet, il annonça à ses hôtes que s’ils avaient vraiment besoin de quelque chose et venaient le demander sincèrement au cyprès, alors, il le leur accorderait. Sur ces mots, il reprit son ascension et, parvenu sur la plus haute branche, il monta jusqu’au ciel, si bien que les témoins pensèrent qu’il devait s’agir de Dieu.
Depuis lors, les Chitimachas ont considéré cet arbre comme sacré et, quand c’était vraiment nécessaire, ils venaient lui demander des faveurs. Au fil du temps, ils auraient ainsi souvent obtenu de la pluie quand le besoin s’en faisait sentir.
L’arbre sacré de La Nouvelle-Ibérie : un témoignage #
En 1990, en plus de transmettre cette légende aux ethnologues, Allen Babineaux, ancien chef des pompiers de La Nouvelle-Ibérie, leur confia sa propre expérience concernant cet arbre.
Un jour, alors qu’une importante sécheresse sévissait depuis des mois, il décida de tenter quelque chose. Revenant de la pêche dans le lac voisin, il fit en sorte de passer devant le cyprès et de l’asperger d’eau, tout en priant pour que la pluie arrive enfin. Depuis des années, les croyances liées à l’arbre l’intriguaient : alors, pourquoi ne pas essayer, sachant à quel point les fermiers avaient besoin d’eau ? Eh bien, tandis qu’il se trouvait sur le débarcadère situé à moins de cinquante mètres de là, se préparant à placer son bateau sur sa remorque, il se mit à pleuvoir. À pleuvoir à verse, comme cela ne s’était plus produit depuis des mois.
N’étant pas superstitieux, Babineaux estima qu’il s’agissait là d’une simple coïncidence. Mais le phénomène se produisit de nouveau. Six fois en tout : six fois, en période de sécheresse, il alla demander la pluie à l’arbre ; six fois, il plut en abondance dans les cinq minutes qui suivirent. Aussi en vint-il à se poser des questions.
Depuis, les ouragans ont eu raison de l’arbre plus que centenaire. D’après Allen Babineaux, c’est alors qu’il gisait, arraché, sur la rive du Bayou Portage qu’on vint pour la dernière fois lui demander la pluie. Et qu’on l’obtint. Forcément, cela fit parler…
Sources #
Lindahl Carl, Owens Maida, Harvison C. Renée. Swapping Stories: Folktales from Louisiana, Jackson, University Press of Mississippi, pp. 406-408.